Il est vrai que cette réforme n’est pas bien comprise par
les Français, puisqu’elle ne met pas vraiment en cause les avantages actuels
des cheminots (Statut inchangé pour le personnel actuel, pas d’impact sur les
rémunérations, et pas de privatisation de la société et donc de menace sur l'emploi). On nous dit qu’il faut
préparer l’entreprise à affronter la concurrence Européenne mais on ne comprend
pas vraiment comment cette réforme va être déterminante pour rendre à court
terme la SNCF plus compétitive.
Elisabeth Borne a certes une longue expérience des
transports gagnée à la SNCF ou dans le ministère des transports ou elle
travaillait il n’y a pas si longtemps avec Ségolène Royale. Au cours de ces fonctions, elle n’a pas elle ne s'est pas vraiment faite remarquée par la promotion de réformes
significatives. Mais elle a été choisie par un gouvernement qui estimait sans doute ne pas devoir se priver de ses compétences.
C’est donc du coté du pouvoir actuel, Emmanuel Macron et
Edouard Philippe, qu’il faut rechercher les responsabilités de la crise
actuelle. La communication de cette réforme, certainement indispensable de
notre société ferroviaire, a été
depuis le début calamiteuse et pourra servir plus tard d’exemple sur ce qu’il
ne faut pas faire.
Tout d’abord, elle ne figurait pas dans le programme
électoral d’Emmanuel Macron, seul le problème des retraites des cheminots, dont
on ne parle pas aujourd’hui, avait été mentionné. Il en découle donc un manque
de légitimité. Ensuite le gouvernement n’explique pas sa réforme aux Français,
et pire encore il ne l’assume pas vraiment.
Il essaie de la justifier en évoquant la concurrence prévue et
en expliquant qu’elle a été décidée par Bruxelles : et pan sur
l’Europe ! Ou encore que cette décision a été entérinée par le pouvoir
précédent: et pan sur le Parti Socialiste ! Pourquoi ne pas
expliquer simplement aux Français de manière responsable que cette décision a été prise par la France,
qu’elle est maintenant irrévocable, qu’elle ne peut être l’élément que les
syndicats veulent contester et renégocier, et que le pouvoir en place a le
devoir de rendre la SNCF compétitive pour éviter son naufrage ultérieur !
Pour convaincre l’opinion, le pouvoir en place n’explique
pas suffisamment l’équation économique actuelle de notre société nationale en
montrant par exemple que les usagers du rail bénéficient de tarifs très préférentiels
financés par les contribuables que nous sommes. Au lieu de cela il s’est livré
à ce que les militaires appellent une préparation d’artillerie en orchestrant
une campagne qui a stigmatisé les cheminots, dans le but de mettre l’opinion
publique de son coté.
Grace à cette maladresse, nos cheminots ont beau jeu de
montrer aujourd’hui qu’ils ne sont pas les privilégiés que l’on prétend et que
leur statut ne peut expliquer seul les déficits actuels de leur société. Il
leur est également facile de démontrer qu’ils ne sont pas non plus responsables
des retards dans les trains, dus principalement au manque de politique
d’entretien du réseau, de leur Direction, pas plus que des déficits provoqués
en grande partie par les investissements de la politique menée sur le
« tout TGV » !
Il reste que le Gouvernement doit aujourd’hui tenir bon,
mais s’il veut convaincre les Français, il doit expliquer pourquoi cette
réforme est importante ! Il n’a rien à négocier, sinon celle-ci, déjà
modeste, n’aurait plus aucun sens. Mais ce sera dur. Sa meilleure chance serait
que l’un des syndicats dits « réformateurs » mette les pouces d’ici la
fin du mois, avec l’intention cachée de couler son adversaire CGT qui a pris le
leadership de ce grand mouvement de grève et prétend aller jusqu’au bout!
On peut comprendre que notre Président de la République
souhaite rester en retrait pour voir l’évolution de ce mouvement social. Mais il
aurait tort d’attendre que ses fusibles Borne , puis Philippe sautent, car dans
l’intérêt du pays, c’est maintenant qu’il doit lui même expliquer et justifier sa
réforme aux Français afin d'obtenir leur support et éviter que cette grève ne dégénère comme il y a 50 ans! Il faut beaucoup moins d'eau pour éteindre un incendie qui ne fait que démarrer!